"La sécurité, c'est se retenir au bord du désastre. La sécurité détermine cette temporalité du délai, du 'temps qui reste' - comme dans le qui tenet de saint Paul. La sécurité, c'est: encore un peu, toujours pareil. La sécurité reconduit, persévère, insiste. Elle tient, maintient, retient. Or la catastrophe surtout, écrivait Walter Benjamin, c'est que tout continue comme avant. Arrimé au dogme de la sécurité du marché, e néocapitalisme n'a tiré et ne tirera aucune leçon des crises. Les profiteurs du système (décideurs financiers, médiatiques, industriels, politiques) sont à ce point comblés qu'ils doivent pouvoir se dire, sauf à paraître à leurs propres yeux de monstres, que leur situation est juste, méritée, résultat d'évaluations convergentes et exactes, et qu'ils ne prennent rien aux autres. Le marché est infaillible. Tout continuera comme avant, la catastrophe insiste, et la sécurité n'est rien d'autre que cette insistance. Tant que les profiteurs seront les décideurs. L'accroissement exponentiel des inégalités sociales exigera certes toujours davantage des dispositifs 'sécuritaires' au sens cette fois où il faudra bien corriger les effects 'à la marge' des marchés prétendument autorégulés: la rage vide et la colère aveugle des dépossédes, des endettés, des rejetés, des déchets. Les régimes néolibéraux sont voués à devenir des États policiers, comme il faudra toujours plus contenir les explosions de la misère. La dégradation rapide et irréversible de l'environnement animera toujours davantage, à chaque cataclysme, en contrpoids dérisoire, le mythe d'une société reflexive, d'une modernité éclairée, consciente des risques, et prête cette fois à prendre la mesure du danger encouru par tous. Mais comme le dogme de la sécurité du marché considère toute intervertion publique, toute volonté politique comme malvenue, falsifiante, calamiteuse, on peut être certain que rien ne sera fait pour freiner la mise à sac illimitée de la planète, l'aveuglement productiviste, l'augmentation délirante des inégalités.
La sécurité (la catastrophe), c'est quand tout continue comme avant" (Fréderic Gros, Le Principe Sécurité. Paris: Éditions Gallimard, 2012: p.237-8).
- Crítica da Razão Negra (trecho do livro de Achille Mbembe).
Me deu mais vontade de ler!
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